Jamais, depuis plus d’un quart de siècle que je connais la Roumanie, je n’avais imaginé arpenter la fameuse « Casa Popului », maison du peuple, érigée après la destruction de 520 hectares de la ville de Bucarest.
Il est vrai que cette construction, voulue par le dictateur Nicolae Causescu, ne m’attirait guère. Comme du reste bon nombre de mes amis roumains dont la mémoire gardait encore les sombres heures de cette période.
Et pourtant, sur l’insistance de mon amie Vali, je me suis laissé convaincre. Il vaut la peine d’entrer dans ce bâtiment gigantesque, le second plus grand édifice administratif du monde, après le Pentagone, insistait cette dernière.
Force est d’avouer qu’elle a eu raison !
L’aspect même de cette construction forte de plus d’un millier de salles, de 12 étages, de 4 niveaux souterrains, ne laisse pas indifférent. Il convient, pour l’apprécier, d’oublier le délire du dictateur, et de se concentrer sur l’œuvre elle-même.
Une œuvre qui a nécessité les services d’une équipe de 400 architectes, conduite par une femme d’à peine 30 ans, aujourd’hui disparue, Anca Petrescu.
Du côté des ouvriers, ce ne sont pas moins de 20 000 personnes qui ont mené à bien ce chantier. Que de sueur, d’argent dépensé pour ce que d’aucuns qualifient de « monstruosité ».
Au chapitre des matériaux, la liste est aussi impressionnante.
On dénombre plus de 3 000 tonnes de cristal, 1 million de m3 de marbre, des centaines de milliers de m2 de tapis.
Songez que la plus grande salle mesure plus de 2000 m2 et que le tapis qui la recouvre pèse 3 tonnes et mesure 1 500m2.
Mais au-delà de ce délire, ce qui m’a fort intéressée est la réalisation elle-même. Tous les matériaux, y compris le marbre (1 million de m3), proviennent de Roumanie. Quant à la concrétisation proprement dite, elle reflète parfaitement l’artisanat du pays. Un véritable patrimoine qui, seul moment où le guide évoquait Nicolae Ceaucescu, traduit ce sentiment d’attachement au patrimoine national.
Aujourd’hui, la Casa Popului, rebaptisée Palais du Parlement, abrite la Chambre des députés et le Sénat. Une des ailes du palais est occupée aussi par le musée d’art contemporain.
Son entretien est une véritable ruine pour le pays (8 millions d’euros par an). Alors que les visites, fort nombreuses, ne rapportent que 2 millions.
Qu’importe, si certains après la Révolution souhaitaient raser ce complexe, aujourd’hui, bon nombre vous confient être satisfaits de ce maintien.
Un témoin historique d’une période de vie qui, sous la folie d’un couple présidentiel et de son entourage, s’est révélée plus que sinistre.
Mais l’heure n’était pas à se remémorer le passé, au demeurant bien vivant dans la mémoire des roumains. Ce peuple est fataliste, et manie l’ironie avec art.
« C’est vrai, cette maison du Peuple nous a coûté très cher, concluait mon amie. Toutefois, regarde, même Donald Trump nous l’envie. »
Et cette dernière de me conter l’offre d’achat du milliardaire américain, désireux de transformer la bâtisse en un casino mégalomaniaque. Une offre qui a été repoussée par le Gouvernement roumain !
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